- Le mot thaumique est un néologisme, ça signifie que c'est magique
- Niveau bestiaire j'ai pas besoin de vous préciser ce qu'est un Wiggler mais un podoboo ça ressemble à ça

CHAPITRE 3 : Champ de fleur
Mitsuki grommela des mots incompréhensibles lorsqu’ils aperçurent enfin Champ de fleur. Effectivement il y avait de quoi être abattu par le spectacle que donnait la province autrefois verte. L’été n’avait pas été généreux dans cette partie du royaume. Perchés sur leur nuage ils avaient une belle vue d’ensemble du désastre. L’incendie avait laissé derrière lui une immense tâche noire de cendres et de bois brûlés. En quelques jours l‘incendie avait fait disparaitre en fumée ce que dame nature avait mise des siècles à créer. Par miracle ou par hasard la zone sinistrée est resté cloisonnée à l’intérieur de la boucle du fleuve Goombie entrant et sortant de Champ de fleur, ce qui avait permis de contrôler plus facilement le brasier. Le nuage alors entama sa descente vers l’unique village situé au centre du bocage. La plupart de la population de Champ de fleur s’y trouvait. Les blessés avaient été soigné et se reposaient jusqu’en dehors des cabanes en bois. De jeunes pousses de tournesol s’enveloppaient dans un compost mis à leur disposition. Petit Luigi aperçu des lakitus qui dormaient sur leur nuage. A la vue des seaux déposés à proximité de leurs cumulus il comprit vite qu’ils s’étaient relayés nuit et jour afin d’éteindre le feu. Il tourna la tête et vit Mitsuki s’avancer vers deux immenses plantes carnivores. Entièrement couvertes de terre, Rose et Flora étaient en train de nettoyer leurs limbes dont la boue avait fait disparaître les nervures. Mitsuki les salua.
- Tu arrives après la bataille jeune gardienne, gronda Flora.
- Je suis terriblement désolée de ce qui s’est passé, répondit Mitsuki, j’étais aux îles du sud lorsque j’ai appris la nouvelle. Si je l’avais su plus tôt je serais venue directement vous aider.
- Ça je le sais. Tournesoleil dit souvent que tu ressembles au premier roi par ton attitude.
- En ce qui concerne sa générosité, c’est la princesse Peach qui s’en rapproche le plus. Elle vous offre son aide pour la reconstruction de la forêt.
- Je ne pense pas que ce sera nécessaire. La résilience est forte, elle mènera son travail à bien. Par contre on ne serait pas contre un petit coup de pouce de ta part, si t’es d’accord.
- Pas de problème. Mais permets moi d’abord d’étudier le site avant de commencer. J’aimerais savoir si cet incendie est d’origine criminelle ou non. J’ai un rapport à remettre à la princesse.
- L’incendie est arrivé si vite. D’après les lakitus il s’est déclaré à la lisière est du bocage. Avec le bois sec et un vent d’ouest il s’est diffusé rapidement. Nous avons mobilisé le plus de monde possible. Du ciel les lakitus ont jetés des sceaux d’eau et de sable pour contenir le brasier tandis que d’autres au sol et moi-même nous avons coupés des arbres et creusés des tranchées. Grâce aux efforts de tous nous avons pu enrayer la propagation du feu et nous l’avons éteint. Mais quand même, quelle tragédie.
- Tout n’est pas perdu. Le bois transformé en charbon peut toujours servir. Et comme tu l’as dit : la résilience est forte. Je vais aller y jeter un coup d’œil et réparer quelques dégâts.
- Au nom de tous les habitants de la province merci.
Mitsuki acquiesça, la remercia, lança un sourire à Rose et retourna vers petit Luigi qui observait des Bub-ulb avec intérêt. Elle lui fit signe de venir. Petit Luigi la suivit alors qu’elle se dirigeait vers un troupeau de Wiggler. Tout ça lui semblait à la fois fantastique et intriguant. Intriguant par le fait qu’aucun habitant ne semblait regarder Mitsuki d’un mauvais œil. A croire que sa réputation souffrait uniquement dans les environs du château royal. Il fut tiré de sa rêverie lorsqu’il aperçut Mitsuki monter sur le dos d’un des Wiggler. Elle lui tendit une main qu’il s’empressa de prendre et se retrouva bientôt devant et tenu par elle. Il sentit l’excitation lui monter à la tête et ne put empêcher un sourire se dessiner sur son visage.
A la position du soleil dans le ciel, petit Luigi réalisa que le Wiggler trottait vers l’est. C’était le seul élément qu’il put déchiffrer dans son état. A force de dandiner, le Wiggler l’avait rendu malade. Mitsuki lui avait conseillé de compter les arbres mais cela n’avait pas fait disparaitre la nausée, à son plus grand regret. C’est avec soulagement qu’il accueillit la fin du voyage et les retrouvailles avec un esprit frais et disponible. Sa joie fut de courte durée. Ils étaient arrivés à la frontière où l’incendie fut arrêté. Un désert de cendres et de charbon s’étendait devant leurs yeux. De la fumée s’élevait là où les braises vivaient encore. Jamais petit Luigi n’avait été témoin d’un spectacle aussi désastreux. Et ce silence. C’était comme si toute vie avait été dévoré par les flammes. Pas un oiseau à l’horizon. Seul le son du vent qui circulait entre les troncs dans son dos se fit entendre. Celui-ci déplaça quelques cendres sur son passage. Mitsuki ne montra aucune émotion mais ses poings fermés disaient le contraire. Elle sentie la colère monter en elle, capable de brûler de la même intensité que le brasier qui s’était déroulé précédemment à cet endroit. Lorsqu’elle se rendit compte que cette colère risquait de briser le comportement strict qu’elle s’était imposée, elle se tenta de se calmer et maudit la cause de ce débordement. Ses yeux lui firent soudain mal ; un signe de contrôle. Elle espérait que personne n’avait remarqué. Heureusement pour elle le regard des deux personnes qui l’accompagnaient était rivé sur l’étendu grise dénudée. Le Wiggler renifla avec un air morose. Mitsuki posa sa main sur la joue.
- Ne t’inquiète pas, le consola-t-elle comme elle pouvait, je vais régler ça.
Il la regarda avec un regard à la fois suppliant et remplit d’espoir. Mitsuki demanda à petit Luigi d’approcher. Elle lui déposa dans les bras son manteau et sa besace. Elle ouvrit son sac et en sortit une bourse de la taille d’un melon. De l’autre main elle décrocha le collier à artefacts de son cou.
- Ok, maintenant reculez tous les deux, annonça-t-elle.*
Elle commença ses incantations. En principe elle n’en avait plus besoin mais pour le travail qui l’attendait, elle devait jouer la carte de la sécurité. La bourse s’ouvrit et les graines s’envolèrent à la manière de petits insectes retrouvant la liberté. Le premier problème se posa lorsqu’il fallut les stabiliser dans l’air. Mitsuki éprouvait des difficultés qui se manifestèrent par un vol en battu des semences. Petit Luigi n’y vit que du feu. Il trouvait cet aspect magnifique. Ça lui rappelait la migration des oiseaux vers le sud en automne. L’essaim se diffusa sur une large étendue, se stoppa et, soudain, tomba comme attiré par la gravité. Mitsuki lâcha le sac de graines et prit ses deux artefacts dans les mains. Elle prit une énorme inspiration. Le plus dur restait à venir. Toujours les pierres entre ses mains, elle mit un genou à terre et les enfonça dans les cendres. Lorsque ses mains entrèrent en contact avec la terre, le sol fut parcouru comme de frissons. Mitsuki ouvrit les vannes de magie tout en apportant une extrême attention à ce que cela ne déborde pas. La difficulté relevait de la maitrise d’un barrage hydraulique. Le moindre défaut ou rupture pouvait se révéler fatal à la fois pour elle et pour ce qui l’entourait. Elle ferma les yeux, n’écoutait plus. Il n’y avait plus que le fluide fantastique et elle. Fluide qui commençait déjà se répandre en un réseau souterrain d’une façon similaire à celle des champignons. Le mycélium magique rejoignit rapidement les graines. La connexion faite, l’échange d’informations et le transfert d’énergie thaumique pouvait commencer. De son côté petit Luigi n’en croyait pas ses yeux. Des pousses vertes émergeaient du sol et poussèrent comme si elles se fichaient des lois établies par l’horticulture. Une, deux feuilles, plusieurs feuilles s’éveillèrent de leur état bourgeonneux. Les tiges vertes se transformèrent bientôt en rameaux bruns, puis de l’écorce vit le jour à la base du tronc. Finalement la croissance s’interrompit ; des petits arbustes avaient pris place dans la plaine. Le Wiggler lâcha inconsciemment un cri de joie. En revanche ce ne fut pas le cas de Mitsuki qui lâcha un faible « beuh » fatigué avant de s’effondrer sur le côté en chien de faïence. Elle était vidée, ce travail l’avait exténué. Sa bouche près des cendres n’arrangeait rien et elle se mit à tousser. Elle se força à s’asseoir. L’air était moins fumeux et elle respirait de mieux en mieux. Petit Luigi lui apporta sa gourde d’eau et elle le remercia de bon cœur. Mitsuki était satisfaite du résultat, non seulement elle offrait une seconde jeunesse à la forêt mais elle recevait en plus un petit bonus. Toute entité végétale de Champ de fleur était reliée à un réseau d’information naturel semblable à une immense toile d’araignée. Grâce à cette toile et au peu de vie restante après l’incendie, Mitsuki savait à présent où le feu s’était précisément déclaré et à la vue des données récoltées cela ne semblait pas être d’origine naturelle. Elle grogna, contrariée : elle va avoir vraiment mal à la tête ce soir. Autant en finir rapidement. Après quelques minutes de repos elle se leva enfin et épousseta son pantalon. Elle surprit le regard de Petit Luigi à présent sur son bras droit. La large cicatrice, aux couleurs rosés, circulait jusqu’à son cou et paraissait plus terrible en plein jour. Elle s’empressa de remettre avec rudesse son manteau sur ses épaules. Inconsciemment petit Luigi baissa la tête, très gêné par ce qui venait de se passer. Mitsuki tourna son regard vers le Wiggler.
- Les jeunes pousses sont encore fragiles, dit-elle sur un ton très sérieux, elles auront besoin de tous les soins qu’on puisse leur apporter. Je peux te faire confiance ?
- Oui, promis, oui, affirma la chenille avec une pointe d’honneur et de bonheur dans la voix. Wiggler promet de s’occuper de ces petites plantes comme si c’était sa propre fleur ! Et promet aussi de faire promettre aux autres Wiggler également.
- Bien. Il ne reste plus qu’une affaire à résoudre et tout sera terminé. Je pense que le feu ne s’est pas allumé délibérément et tout porte à croire que la source de chaleur venait de l’extérieur.
- Grrr, gronda le Wiggler devenu rouge, celui qui s’en prend à la forêt de Wiggler est un ennemi. Wiggler va lui faire payer très cher.
- Et ça peut paraître très bizarre à annoncer mais la forêt m’a informé que le foyer de naissance était dans cette direction.
Elle pointait son doigt vers l’est. Est-ce que faire pousser des arbres fait dire des drôles de choses ? se demanda petit Luigi. Mais à la vue du Wiggler rempli de détermination, il décida de ne rien dire.
Ils descendirent jusqu’à ce qui fut la lisière de la forêt. Les indications étaient justes ; l’herbe rasée et jaunie par la canicule située à la frontière se retrouvait à présent à l’état de matière carbonisé. Cependant, pour Mitsuki, quelque clochait. Les cercles noirs étaient étrangement isolés. L’un d’eux a effectivement continué sa progression vers la forêt. Podoboos ? Non, elles ont besoin d’une puissante source de chaleur et on en trouve pas dans ses régions-ci. A moins que… Une explosion accompagnée d’une gerbe de feu l’extirpa de ses pensées. Cette dernière venait d’apparaitre cinq cent mètres plus loin et des dépôts enflammés commençaient déjà leurs chutes. Mitsuki fit claqué sa langue en signe d’exaspération et lança des panaches d’eau pour les éteindre. Ce qui réussit. Ils coururent en direction du site qui venait subitement d’exploser. La fumée était noire et épaisse, rien à voir avec celle d’un feu de forêt. Des toussotements proches du crachat se firent rapidement entendre et des paroles les suivirent. Ça ressemblait plutôt à des reproches.
- Aïe je te l’avais pourtant bien dit ! cria une voix aigüe. Ce charbon minéral a une trop forte teneur en méthane. Tu sais, le méthane, ce gaz qui nous a déjà fait le même coup il y a quelques jours. Ce bassin houiller est inexploitable. On se prend coup de grisou sur coup de grisou. Mais non ! Monsieur n’en fait qu’à sa tête ! Tu vas finir par tuer quelqu’un si ça continu !
- Cet houiller est exploitable ! C’est juste que t’es trop stupide pour t’y prendre convenablement !
La dispute continua par des paroles incompréhensibles suivit d’un bruit de bagarre couvert rapidement par un brouhaha confus. Ce que vit le trio les surprirent. Des chariots étaient posés sur des rails qui partaient vers des entrées sombres ou, là où se tenait à présent un trou béant, vers ce qui a dû être un ascenseur artisanal. Apparemment ce site était une mine. « a été » serait la bonne conjugaison compte tenu du spectacle qu’elle offrait. Pleins de Topi Taupes s’agitaient autour du chantier dont deux étaient en train de se battre. Nombreuses portaient des casques de chantier et étaient couvertes d’une poussière noire et grasse. Aucun des trois n’osait prendre la parole dans toute cette cacophonie et pourtant il faudra bien que quelqu’un le fasse.